Les Tunisiens décrivent la situation comme un cauchemar : des denrées alimentaires manquent cruellement sur le marché, des produits de base en pénurie et de longues files d’attente pour s’offrir quelques produits de consommation. Dans certains quartiers, des citoyens font état d’une politique de rationnement !
La Tunisie connaît une crise sévère au niveau de l’approvisionnement de plusieurs produits de consommation. Si la crise des carburants a touché à sa fin, celle des produits alimentaires est bien partie pour durer. «Cela fait plusieurs jours que nous vivons cette situation, les fournisseurs refusent de nous répondre au téléphone, car ils n’ont aucune réponse. Œufs, lait, boissons gazeuses, beurre… tout manque», témoigne un épicier dans l’un des quartiers de La Soukra, à l’Ariana.
En effet, sucre, café, riz, pain, eau et bien d’autres produits de base sont en pénurie, ou du moins leur approvisionnement n’est pas régulier. Du coup, les citoyens se sont trouvés confrontés à une crise inédite sur les marchés tunisiens. Dans certaines villes, il est quasi-impossible d’accéder à certains produits.
Le directeur général de l’Institut national de la consommation, relevant du ministère du Commerce, a d’ailleurs reconnu des problèmes de ravitaillement, et, par conséquent, un manque en certains produits, notamment les fruits et légumes, la viande et le lait et dérivés.
Il a expliqué ces pénuries par les problèmes propres aux filières de la viande, du lait et de la viande blanche, ainsi que par le manque de production habituel en période d’automne des fruits et légumes. Ce manque de produits, conjugué à l’inflation due à la guerre en Ukraine, auront pour conséquence une augmentation significative des prix à la consommation et de la cherté de la vie. Car, en effet, une augmentation sans précédent a été enregistrée au niveau de, pratiquement, tous les produits de consommation, sans préavis ni explications. Mais quelles sont les causes d’une telle crise qui frappe de plein fouet le consommateur tunisien ?
Au fait, une seule explication ne peut pas résumer la situation et éclairer l’opinion publique. Pour remonter aux origines de la crise, on cite notamment trois raisons.
Premièrement, l’incapacité de l’Etat à importer certains produits alimentaires à cause des pressions budgétaires, mais aussi des problèmes d’approvisionnement à l’échelle mondiale. Deuxièmement, des actes de spéculation et de monopole infestent nos marchés après une baisse au niveau du contrôle à l’issue de la guerre contre la spéculation annoncée par le Président de la République. Et finalement, des problèmes propres aux filières de production liés notamment à la hausse des coûts de production en raison du conflit russo-ukrainien, dans la mesure où la majorité des produits nécessaires à la production agricole par exemple sont importés.
Saïed exige l’application de la loi
Sur fond de cette crise, le Président de la République Kaïs Saïed s’est entretenu au Palais de Carthage avec la ministre du Commerce et du Développement des exportations, Fadhila Rabhi.
La réunion a porté sur l’augmentation excessive des prix de plusieurs produits et la spéculation. Estimant qu’il s’agit de crises orchestrées visant à déstabiliser le pays, le Président de la République a, à cette occasion, appelé à une application ferme de la loi contre les auteurs de ces pratiques qui «s’apparentent à des crimes».
Le Chef de l’Etat a également reçu au Palais de Carthage le ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine, pour discuter d’un certain nombre de questions liées à la situation sécuritaire dans le pays, indique un communiqué publié hier soir par Carthage.
Kaïs Saïed a appelé le ministre de l’Intérieur à déployer davantage d’efforts, durant cette période, pour lutter contre le monopole et contrôler les circuits de distribution en coordination avec le ministère du Commerce et du Développement des exportations ainsi que les autres parties concernées.
C’est dans ce sens que le ministère du Commerce a indiqué que ses services de contrôle ont relevé, mercredi dernier, 84 infractions commerciales parmi lesquelles 40 pour spéculation et hausse des prix. A cela s’ajoute la saisie d’une tonne et 750 kilos de pommes de terre et 18 mille œufs commercialisés à des prix élevés.
Ces contrôles et ces infractions, effectués en collaboration avec les directions régionales du Commerce du Grand Tunis et avec le concours des autorités sécuritaires, ont touché les circuits de distribution des fruits et légumes ainsi que les produits de volailles dans les zones populaires des gouvernorats de Tunis, Ariana et Ben Arous, selon le même communiqué.
Cette campagne entre dans le cadre du programme national de lutte contre la spéculation et le monopole afin de protéger le pouvoir d’achat du citoyen, particulièrement à l’approche de la rentrée scolaire et le vide automnal à enregistrer dans la production agricole.
Autant dire que la question du monopole et de la spéculation n’explique pas, à elle seule, l’actuelle crise des produits de base.
La situation est telle que l’Etat est dans l’incapacité d’importer en quantités suffisantes certains produits de consommation indispensables comme les céréales, le riz et le sucre. Pour les produits agricoles, même si le pays est en mesure de les produire, d’anciens problèmes structurels font que les crises émergent fréquemment, comme c’est le cas actuellement pour la production laitière.